Jun28

Est-ce par choix que les filles n’optent pas pour les métiers traditionnellement masculins (MTM) ?

Est-ce par choix que les filles n’optent pas pour les métiers traditionnellement masculins (MTM) ?

En effet, c'est en partie par ignorance que les filles boudent encore largement les domaines d'études dominés par les hommes. Elles « [...] ignorent quels sont les emplois dans lesquels les femmes sont sous-représentées, les écarts de rémunération entre les postes traditionnellement féminins et ceux qui sont traditionnellement masculins, etc. »[2].

C'est aussi par manque de modèles que les filles n'osent pas se diriger vers un MTM. Les modèles féminins de réussite scolaire et professionnelle sont importants pour permettre aux jeunes filles de s'identifier, de se projeter dans l'avenir et d'entrevoir les possibilités d'une carrière traditionnellement masculine. Ces modèles doivent, bien sûr, être réalistes, présentant aux filles « [...] les difficultés [liées à l'exercice d'un MTM], mais leur permettant néanmoins de souligner les gratifications que procure le travail rémunéré »[3].

Au cours de la dernière année, la Table de concertation des groupes de femmes de la Gaspésie et des Îles s'est efforcée de mettre de l'avant des modèles féminins par divers moyens : publication de Portraits de femmes[4], un document produit en collaboration avec la Commission scolaire René-Lévesque, qui regroupe 26 fiches signalétiques de femmes exerçant un MTM dans notre région; diffusion de capsules radiophoniques dans lesquelles six femmes témoignent de leur expérience et de leur parcours; diffusion de publicités dans les médias écrits mettant en valeur des femmes exerçant un MTM.

Les modèles familiaux ont également une grande influence dans le processus d'orientation scolaire et professionnelle des jeunes. Les filles ont davantage tendance que les garçons à s'orienter selon un modèle qu'à explorer les différentes possibilités qui s'offrent à elles. Comme il existe peu de personnes auxquelles s'identifier dans leur entourage, elles ont tendance à reproduire les mêmes choix professionnels traditionnels qu'elles observent : enseignantes, adjointes administratives, coiffeuses, etc. Il faut donc qu'au sein du milieu familial, on encourage les jeunes filles à explorer des avenues non stéréotypées, qu'on leur permette de développer des activités en relation avec leurs propres intérêts et leurs aptitudes. Un parent qui fait figure de modèle est un parent qui « parle avec enthousiasme et réalisme de son travail. Il sait équilibrer le travail, la vie familiale et les loisirs. Il transmet au jeune une image stimulante du travail en parlant des obstacles qu'il peut rencontrer et des solutions qu'il met en place »[5].

Le choix de carrière des jeunes filles est également un effet de la socialisation et de l'environnement dans lequel elles ont baigné depuis leur enfance. Les enfants sont encore très tôt campés dans des rôles sexués dans lesquels les filles doivent éviter de se salir les mains et dans lesquels les garçons sont encouragés à développer leurs habiletés manuelles. Un travail important doit être fait très tôt dans la vie puisque « si l'on valorise beaucoup les femmes pour leurs qualités sociales et morales, leur apparence, il est rare qu'elles le soient pour leurs capacités, notamment intellectuelles »[6]. D'autre part, les proches n'insistent pas assez sur l'importance de l'autonomie économique chez filles lorsqu'elles choisissent un métier. Le salaire féminin est encore trop souvent considéré par beaucoup comme un revenu d'appoint, d'où le peu de valorisation des métiers féminins. Cependant, les proches, tout comme les intervenantEs scolaires, doivent faire comprendre aux jeunes filles qu'elles auront à subvenir à leurs propres besoins tout au long de leur vie.

Idéalement, les proches devraient être eux-mêmes sensibilisés et outillés afin de bien guider les enfants vers un choix basé sur les intérêts personnels, les aptitudes, les compétences et considérant les avantages liés à la pratique d'un métier traditionnellement masculin. Il est difficile pour un jeune d'aller à l'encontre des valeurs et des normes établies par la famille et l'entourage, même si à l'école, on l'encourage à poursuivre son rêve : « Des études ont démontré que la perception, les croyances et les attitudes des parents agissent sur le développement et les intérêts de leurs enfants [...] »[7] Ainsi, le travail que les intervenantEs scolaires réalisent auprès des jeunes est complexifié en raison de la lutte aux préjugés et aux stéréotypes existants, et aussi à cause de la socialisation issue du milieu familial et de l'entourage.

Mais comment s'y prendre en milieu scolaire pour bien informer les jeunes filles et tenter de détourner l'effet de la socialisation? D'abord, l'approche orientante est un bon moyen pour démythifier les métiers traditionnellement masculins. Cet espace éducatif permet de créer des activités visant à diversifier les choix de carrière des filles et des femmes, tout comme les projets personnels d'orientation (PPO). Quant à eux, les projets novateurs du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport permettent d'obtenir du financement pour soutenir des activités liées à la diversification des choix scolaires des filles et à la réussite de celles qui sont inscrites à la formation professionnelle et technique.

Certes, aujourd'hui, quelques outils existent pour aider les intervenantEs scolaires dans cette avenue, mais comme le mentionnait le rapport du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, Sortir des sentiers battus, paru en 2005, « [...] l'information sur les métiers traditionnellement masculins et sur la place des femmes au sein de ces métiers doit être fournie de manière continue, voire même répétitive, et diversifiée dans l'utilisation des moyens de communication »[8]. Bref, il faut marteler le message, maintenir la cadence et renouveler l'approche.

Ainsi, peut-on répondre à la question. Ce n'est pas seulement par choix que les jeunes filles et les femmes ne se dirigent pas vers les MTM : c'est aussi à cause de la socialisation et du manque d'encouragement, d'information et de modèles féminins. La seule façon de favoriser le libre choix de formation et de carrière chez les jeunes filles et les femmes est d'éliminer les barrières qui sont à l'origine de cette situation. Ce travail, une responsabilité à partager entre tous et toutes, vise à terme de leur permettre de faire un véritable choix, dépouillé de toutes ces contraintes, et d'assurer à notre région un avenir inclusif et diversifié.


[1]. Conseil canadien sur l'apprentissage, Carnet du savoir – Écart entre les sexes sur le plan du choix de carrière : Pourquoi les filles n'aiment pas les sciences, 1er novembre 2007, p. 5.

[2]. Marie-Josée Legault, En 2003, est-ce par choix que les filles n'optent pas pour les emplois traditionnellement masculins ?, actes du colloque Les MTM, une passion contagieuse ?, 5 novembre 2003, p. 6.

[3]. Lise Villeneuve (dir.), Des métiers pour les filles ! Un guide d'exploration des professions et des métiers non traditionnels pour les femmes, Montréal, Éditions Ma Carrière, 1998, p. 128.

[4]. Table de concertation des groupes de femmes de la Gaspésie et des Îles, Portrait de femmes, [En ligne], 2009, http://www.femmesgim.qc.ca/dossiers/metiers-pour-elles.html (Page consultée le 23 février 2010)

[5]. Sylvie Barrette et Isabelle Falardeau, Les filles et les sciences, un duo électrisant : Si parents savaient... Jeunes filles pourraient !, Résumé de la troisième conférence, 17 février 2001, p. 3.

[6]. Des métiers pour les filles!, Montréal, Éditions JOBBOOM, 1998, p. 127.

[7]. Conseil canadien sur l'apprentissage, op. cit., p. 6.

[8] MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT, Sortir des sentiers battus : Le cheminement de femmes qui optent pour un métier traditionnellement masculin, Gouvernement du Québec, 2005, p. 5.

T: 581 886-4650

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