Sylvie Déraspe

En 1983, Sylvie quitte ses Îles pour s'inscrire à un cours de conduite de camion :

« J'ai toujours rêvé en regardant les gros camions passer. J'en voulais un! À 19 ans, j'ai commencé à réaliser mon rêve. Je me suis inscrite à l'École des Routiers Professionnels. En 1983, diplôme en mains, j'entre sur le marché du travail. Frappe à une porte, 2 portes, 5 portes, toujours pareil : Pas d'emploi pour toi! À la Xième porte, j'ai dit au propriétaire : J'sors de l'école et c'est pas dans le salon chez nous que j'vais apprendre à travailler. Surprise! Il m'a répondu : Rentre demain matin, 6 heures!

Torse bombé, avec le premier camion Ford LTL qu'on m'a confié, j'ai débuté mon rêve. Au fil des kilomètres parcourus, je suis devenue propriétaire d'un superbe Peterbilt de l'année et j'ai fondé ma propre entreprise dans le domaine de l'excavation. J'ai fait ma place dans un monde d'hommes. Dans l'industrie de la construction. »

Première femme propriétaire-artisane de la région métropolitaine, de la Rive-Sud et de la Rive-Nord de Montréal, Sylvie a toujours su concilier travail-famille : emmenant sa fille avec elle sur les routes jusqu'à ce qu'elle soit en âge d'aller à l'école, elle a ensuite travaillé dans l'industrie de la construction pour pouvoir rentrer à la maison tous les soirs.

Détentrice d'une carte d'opérateur de pelle mécanique depuis quelques années, Sylvie est maintenant travailleuse autonome et donne de la formation en santé et sécurité au travail, d'équipements lourds dans les entreprises privées. De plus, elle fait du mentorat auprès d'une vingtaine de femmes qui exercent des métiers traditionnellement masculins.

« Aujourd'hui, je suis à la barre des Services Professionnels M&S Inc. J'agis comme consultante, spécialisée dans le domaine de la construction. Mon univers est surtout composé de modèles Tonka grandeur nature. Je donne de la formation, j'accompagne des individuEs et des entreprises dans toutes sortes de transactions, inscriptions, défense des droits... reliés à l'industrie.

En tant que femme ayant exercé un métier traditionnellement réservé aux hommes, je suis souvent invitée à faire des présentations, conférences, à siéger sur des commissions, comités ou jurys. Aussi, je fais du mentorat auprès de jeunes travailleuses qui débutent dans différents métiers non trad. »

Constatant le peu d'avancement des femmes dans les métiers de la construction et inquiète de la discrimination vécue par celles-ci dans l'industrie, Sylvie a fondé un comité pour la défense des droits des travailleuses et des travailleurs de l'industrie de la construction. Ce comité est impliqué depuis 2009 dans des actions concrètes auprès de plusieurs ministères ainsi qu'avec la Commission de la construction du Québec qui visent à améliorer les conditions de la main-d'œuvre dans ce domaine. Elle poursuit également son travail de formatrice en santé et sécurité au travail auprès des travailleurs et travailleuses et en équipement lourd. Elle s'implique également dans les projets locaux de promotion des métiers majoritairement masculins, dont l'évènement « Filles de défis », activité tenue aux Îles-de-la-Madeleine depuis cinq ans.

Sylvie est aussi impliquée au niveau social, elle croit vraiment qu'on peut faire la différence pour changer les choses. Femme de tête, elle n'aime pas les injustices, c'est pourquoi on la surnomme « la Jeanne-d'Arc des temps modernes ».